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Les articles de Pierre G. Harmant

Article paru dans "Kodéco" de février 1960 - pp. 18-19

Ils étaient aussi photographes...
Victor Hugo

Victor Hugo (Portrait de Victor Hugo, non légendé dans l'article, note du webmaster)

Il est une personnalité que l'on n'attend guère dans les annales de la photographie et qui pourtant y ajouta la touche de son étonnante personnalité : Victor Hugo.

Personne n'ignore qu'il joignait à ses dons naturels de littérateur celui d'un artiste et qu'il possédait, comme l'on dit familièrement, un joli coup de crayon.

Ses manuscrits sont souvent ornés, lorsque l'inspiration se faisait attendre, de dessins se rapportant au thème traité, qui parlent autant à l'oeil que les vers à l'esprit. Ce que l'on sait moins, c'est qu'il fut sans doute l'un des premiers reporters dans un sens très voisin de celui que nous attribuons de nos jours à ce mot.

Le coup d'état du Prince-Président, le 2 décembre 1852, fit mettre sur la liste des personnalités non grata l'ardent propagandiste de la IIe République. Hugo dut s'exiler, sa tête était mise à prix pour avoir dénoncé publiquement les agissements du nouvel empereur... Il trouva refuge, comme on sait, à Jersey où il s'installa avec ses enfant et quelques amis : Auguste Vacquerie, en particulier.

En 1853, parut un curieux ouvrage intitulé : "Vues de Jersey, vers de Victor Hugo, prose de Charles et François Hugo et Auguste Vacquerie, illustré par des photographies de Charles et François Hugo". Il n'est pas tellement surprenant que le poète ait été attiré par le nouvel art, celui-là même qui permettait, par les oppositions des nuances de gris, de traduire si exactement le concept romantique des "Rayons et des Ombres".

Il semble, lorsque l'on parcourt les souvenirs rassemblés au Musée de la Place des Vosges, que Victor Hugo ait vivement encouragé son fils Charles à pratiquer la daguerréotypie, tout d'abord, puis le procédé de Talbot (négatifs sur papier).

Hugo, à Jersey, puis, plus tard, à Guernesey, n'est plus évidemment le personnage de la bataille d'Hernani que nous a révélé David d'Angers. C'est un homme soucieux, pensif, douloureusement pensif, qui médite avec amertume sur les conséquences de la prise du pouvoir par Napoléon le Petit..., sur l'Histoire d'un Crime.

Il y a quelques années, à la vente de la collection de Gabriel Gromer [sic, il s'agit de Cromer, note du webmaster], la George Eastman House fit l'acquisition d'un autre album, composé par Victor Hugo, de quarante images photographiques sur papier exécutées entre 1852 et 1854. Cet ouvrage, réalisé par ses fils et présenté avec la collaboration de sa femme Adèle, fut donné à Mme Euphémie Barbier, la fille d'un autre émigré qui vivait aussi dans l'entourage de Hauteville House.

"Victor Hugo lui-même, nous apprend-on, ne toucha pas au matériel qui était utilisé pour réaliser la collection d'images de cet album, mais il en contrôlait la mise en oeuvre et posa pour un certain nombre d'entre elles. On reconnaît, sans qu'il soit possible de s'y méprendre, l'art du poète à travers la grossière mécanique de l'appareil, à travers les arcanes de la chimie des premiers procédés à l'albumine et à travers les inexpériences de Charles Hugo et Auguste Vacquerie, qui étaient sensibles et obéissants à ses instructions. On trouve dans ces épreuves le même esprit d'opposition des lumières et des ombres, le même humour tragique, les mêmes pensées, qui prévalent dans ses peintures et ses dessins".

Victor Hugo et ses 2 fils
Victor Hugo (à droite) et ses deux fils, François (debout) et Charles, posant à Jersey devant l'appareil photographique. Date de cette prise de vue : probablement 1853.

Les journées devaient être longues dans l'île et la photographie offrait pendant les heures de clarté une diversion à laquelle toute la famille participait. Charles Hugo avait trouvé à Caen tout ce qui lui était nécessaire de connaître relativement au procédé à l'albumine et Vacquerie, de son côté, se familiarisait avec le procédé au collodion, tout nouveau. Tous s'émerveillaient de la simplicité des procédés mis en cause, comparés à celui du daguerréotype. Des amis sûrs leur envoyèrent le matériel et les produits nécessaires, l'imagination du poète fit le reste. Il était en quelque sorte le metteur en scène, il réglait les conditions de prise de vues, le cadrage, les sujets, et ses opérateurs n'avaient plus qu'à mettre en oeuvre leur propre habileté.

C'est dans cet ouvrage que l'on trouve une photographie célèbre : celle de la main du poète, à côté de nombreuses images de ses compagnons d'exil et leur famille. Il y a celles aussi du solitaire, sur les rochers de l'île...

Victor Hugo à JerseyCi-contre : l'exilé solitaire sur son rocher.

Il existe également une vue de sa maison, à Marine Terrace montrant Victor Hugo à l'une des fenêtres, son fils Charles à une autre, regardant par dessus une sorte de serre où se reposait Madame Hugo, en attendant la famille, partie pour ses promenades de l'après-midi.

Déjà, il y a plus de cent ans, le "problème de l'album" (celui du classement des épreuves), bien connu des amateurs de notre temps, s'était proposé, si l'on en juge par une lettre de Madame Hugo qui regrette que Vacquerie n'ait pu trouver une image de Mme Barbier pour l'inclure à la collection...


Lorsque l'on pense à Victor Hugo, viennent aussitôt à l'esprit les "Odes et Ballades", "La Légende des Siècles" ou "Les Misérables". Or, Hugo ne dédaignait pas les jeux de mots et calembours. En voici quelques-uns tirés de son oeuvre et choisis par nous dans "Victor Hugo s'amuse" de Christiane Bayet.

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